Wednesday, January 8, 2014

La nostalgie de paradis inconnus.

J'ai la nostalgie de ce que je n'ai connu
Les pays jamais abordés
Les corps jamais traversés
Les lèvres jamais caressées
Et la nostalgie de paradis inconnus.

©2014 Marwan Elkhoury

Saturday, May 8, 2010

La chanson du pêcheur

Je baigne dans la volupté du néant
Plein d'espoir d'attentes échouées
Je suis plein d'appétits pour des mets avariés
Que j'avale lentement, délictueusement.

Je fredonne des mélodies d'amours surannées
Sur un piano bien désaccordé
Je me rattache à des mots pour ne pas sombrer
Et pleure une vie brûlée aux flammes éthérées.

Au début, je vécus heureux
Dans l'innocence de ma première enfance
Mais peu à peu dégringola mon bonheur
Dans l'enfer des guerres imprudentes

Et d'un jour à l'autre, j'appris
De la folie des hommes
Que le bien est le mal et le mal,
Est le mien.

J'ai vu pour les autres se lever le soleil
Au-dessus des nuages gris qui s'amoncellent sur mon ciel
Je n'attends plus que l'espoir de la mort
Pour me sauver des torts de mon corps mort.

Je veux partir cacher au fond des mers
Ma tristesse infinie
Et fuir les malheurs de la vie
Dans l'au-delà amer.

Je chante un air sublime
Aux étoiles qui brillent dans l'abîme
Le vent gémit à travers les branches
La complainte du pêcheur aux lèvres blanches.

©2010Marwan Elkhoury

Thursday, April 1, 2010

L'obscur objet du hasard

Je me demande encore
Combien de temps faut-il pour vivre
Et combien pour mourir
Combien de temps faut-il pour aimer
Et combien pour haïr
Combien de temps faut-il pour rire
Et combien pour pleurer.

Je me demande encore
Si le temps de vivre
Est-il égal au temps de mourir,
Si le fini de la vie,
Vaut-il l'infini de la mort.

Qu'on ne me parle plus d'amour
Quand je n'entends que haine
Qu'on ne me parle plus de dieu
Quand je n'entends que diable
Qu'on ne me parle plus de rien
Quand je n'entends plus rien.

Je suis las de l'obscur objet du hasard,
Un tissu déchiré contre un visage hagard
Un bâtard pendu à un mât de cocagne
Parti en cavale dans la morne campagne.

Je ne trouve plus l'inspiration des lieux
Aucune raison d'avoir, encore moins d'être
Qui que quoi pourrait encore me sauver

Je suis condamné à vivre
Comme d'autres le sont à mort.
Je n'ai pas le droit de partir.

De ces trois fuites,
De l'art, de l'amour ou de la mort,
Seule la mort serait à ma portée,
Quoique, en y réfléchissant bien,
Je n'y vois aucune différence donnée.

Dans les fracas de mon âme,
J'entends les ruptures du monde
Et dans les silences de mes larmes,
J'entends les fureurs de l'atome.

Je ne demande que la reddition des anachorètes
Et la levée des armes contre la mystique des sages.
L'holocauste sacré des premiers esthètes
N'effacera pas la beauté des terrestres paysages.

Je ne peux que rejoindre les fous
Dans leurs tentatives d'humanité,
Et les ascètes dans leur folie du désert.

Il fait froid comme dans une prison
Par l'étroite lamelle d'une fenêtre à barreaux
Je distingue toute la grisaille du ciel
Et sent l'odeur de la pluie sur le carreau.

©2010 Marwan Elkhoury

Friday, March 12, 2010

Amsterdam

Dans la ville d'Amsterdam
Y a des gamins qui dansent
Les rêves qui les hantent
Dans leurs cerveaux sans âmes.

Y a des putains qui baisent
Dans des maisons rouge sang
Et qui chantent toutes en choeur
Comme on prie à l'église.

Y a des putains qui pansent
Les gamins d'Amsterdam
Pour plagier leur amour
Comme on plagie l'argent
Sur les marchés de Londres ou de Gand.

Dans la ville d'Amsterdam
Y a des gamins qui sifflent
Leurs angoisses refoulées
Dans leurs pantalons troués.

Y a que des gosses qui chialent
Dans les rues d'Amsterdam
Leurs raisons qui cavalent
Comme sur des oriflammes.

Y a des espoirs qui s'affaissent
Comme s'affaissent les quais
Dans l'humidité épaisse
Des froideurs océanes.

Dans la ville d'Amsterdam
Y a des cauchemars qui naissent
Dans le vague des âmes

Et qui nous tiennent en laisse
Et nous laissent sans répits
Dans la chaleur épaisse
Des langueurs endurcies.

Dans la ville d'Amsterdam
Il fait gris comme la pluie,
Un jour de neige pourrie.
C'est le jour et la nuit
Ni tout à fait jour ni tout à fait nuit.

Dans la neige d'Amsterdam
Les peurs s'installent
Les pleurs se rassemblent
Et les troubles se forment.

Les maisons patriciennes
Plongent leur seuil dans la vase boueuse
Des temps qui s'écroulent
Dans les villes qui s'enfoncent.

Les morts se conservent
Dans le froid d'Amsterdam
Plus longtemps que les vivants
Plus fraîchement que les indigents.

Je ne suis qu'un pauvre quidam
Qui traîne dans les bars d'Amsterdam
Et pénètre dans ces lieux
Pour oublier plus que pour y boire.

Et dans ces lieux mal fâmés
Je m'assois sur des chaises toutes râpées
De toutes les angoisses égarées.

Et bois pour oublier que dans ces boissons
Aux belles étiquettes délavées
Je me saoûle comme on pisse
Dans les bénitiers des dévoyées.

Je m’oublie dans ces poitrines flasques,
Si affriolées et de couleurs bigarrées,
Et bois pour oublier cette ville d'Amsterdam
Et ce monde glauque et vide.

Enfin, il y a toujours Brel et sa rengaine,
Qui m'obsède sans cesse
Et me trotte dans la tête
Comme une angoisse sans fin.
Au large d'Amsterdam.

Dans la ville d'Amsterdam
Dans la ville d'Amsterdam
Dans la ville d'Amsterdam …

©2010 Marwan Elkhoury

Wednesday, February 24, 2010

Je cherche dans l'aujourd'hui

Je cherche dans l'aujourd'hui ce que,
Dans l'hier, j'ai perdu ou n'ai jamais connu
Et ce que je ne pourrais avoir
Dans ces lendemains sans gloire.

Mais pourquoi se faire tant d'illusions
Car ce qui est perdu est perdu à jamais
Et ce qui n'est pas retrouvé ne se retrouvera jamais.

Les hommes, chassés du paradis, ont reçu
Des dieux, pour se consoler d'une terre,
Une dot avec un parfum d'enfer.

Combien de temps me serais-je donné
Pour apprendre à être et l'oublier.
Combien d'heures sombres me serais-je donné
Pour apprendre à être sans regrets.

Nous avions tous besoin d'inventer des dieux
Pour oublier ce que nous sommes
Oublier ce que nous ne pourrions jamais être
Et oublier que nous ne sommes pas.

De pauvres êtres regardant du côté du ciel
Pour ne pas avoir à se rappeler la terre
Le dur labeur, le froid, les peines et la perte.

Pour calmer la terreur des dieux
Nous leur offrons offrandes et sueurs
Et leur donnons nos plus beaux diamants
Et nos plus belles heures.

Mais les dieux, comme les astres,
Et toute la foisonnante nature,
N'ont que faire de nos mièvres spasmes,
De nos querelles et de nos blessures.

La terre tourne, avec ou sans nous,
Comme ces étoiles, au loin dans le firmament,
Qui brillent bien au-delà de nos désespérances.

Comment réconcilier le jour avec la nuit
L'amour avec la haine, la vie avec la mort
Nous ne sommes que l'ombre de nous-mêmes
Pantins des dieux que nous n'avons su séduire.

Et pourtant, avec les dieux, j'ai préféré frayer
Que tout ce qui est humain, si tristement humain.
J'ai toujours été fasciné par la nature,
Ses humeurs, sa force, sa beauté, ses fractures,
Sans jamais avoir compris l'humain,
Ni ses maux, ni ses préoccupations de marché,
Encore moins ses querelles de clochers.

J'ai tout perdu, ayant tout à perdre,
Amour, argent, caresses, chaleurs,
Femmes, plaisirs, rêves et saveurs,
À présent, qu'ai-je encore à perdre.

Que me reste-t-il en dehors.
Il ne me reste plus qu'à vivre.
Mais quelle belle aubaine alors.

©2010 Marwan Elkhoury

Tuesday, February 9, 2010

Où sont les temps des temps solides

Où sont les temps des temps solides
Où les maisons se tenaient droites
Et les coeurs aussi.

Où sont les amants des bons vieux temps
Où les mains se tenaient tout simplement
Et les corps aussi.

Où sont les forêts de nos souvenirs
Où les rêves s'épanouissaient
Dans les clair-obscurs de nos frayeurs muettes.

Où sont nos villes, où sont nos vies
Quand nos pères bâtissaient nos destins
Et nos mères préparaient le festin.

Où sont nos plages, où sont nos mers
Où nos amours languissaient
Et nos espoirs se noyaient.

J'aimerai encore soulever la vague
Et recouvrir les montagnes
De vertes forêts
Et de belles roses sauvages.

J'aimerai encore revivre la naissance
Du bouton de rose
Qui envoûtait mon coeur
De senteur ennivrante.

Ignorant le but, je m'avance,
Imperturbable vers mon destin final
Où la mort m'attends, tenace.

Je la dévisage du coin de l'oeil,
Sans jamais lui avouer
Ma peur du trépas.

Qu'il est difficile d'être
Et qu'il est triste de paraître,
L'homme d'ici, l'homme qui se cherche
Qui sombre dans l'oubli
Avant même de se connaitre.

Et comme nous ne sommes un qu'une seule fois,
Nous nous précipitons, à l'aveugle, devant nous
Avant d'être rattrapés, essoufflés, par nos arrières.

©2010 Marwan Elkhoury

Tuesday, February 2, 2010

L'Eve

Vierge et archange, elle était là, entre ciel et terre,
Adossée au zinc d'un bar glauque sans lumières,
Sis six rue des soupirs grinçants,
Si désinvolte, enjouée, lascive et déconcertante,

Une peau fendue, léchant sa robe moire,
Assortie à son kohl démoniaque, ses cheveux noirs,
Relevant ses yeux bleus en un cou gracile,
Serti de diamants à mille facettes.

Autour de ses genoux d'or, frissonnants,
De longues jambes guindées, voleuses,
Des hanches galbées, une poitrine pulpeuse,
Et les échancrures de sa robe renforçant
Les appâts de ses formes généreuses.

Un miroir au milieu du bar
Renvoyait les mille feux de son corps
Aux mille garçons avachis
De boissons et de morve.

Mais quoi qu’elle s'offrit à tous en reflet,
Elle était de celles qui ni ne se donne, ni ne se prend,
N'appartenant, vestale, à personne sauf à elle-même.

À peine pénétrais-je dans ce saint des saints
Qu'elle m'offrît un regard langoureux
Et entre moi et elle, à dessein,
Tout le monde des soupirs malheureux.

L'Eve était tout en un: amour, séduction, érotisme,
Vénus faite femme, bête sauvage, éros et thanatos,
Et moi, l'Adam, rien du tout, inexistance et mutisme,
Mais avec tout le pathos.

J'avançais mes lèvres qui avaient
Cet avant-goût de ce que peut être la mort
Quand elle se mêle à cet arrière-goût de l'amour amer
Que seul le désespoir de l'infini peut donner,
Une illusion de bonheur éternel dans la reconnaissance du répit éphémère.

Elle n'avait cure qui j'étais.
Je la regardais, afin d'oublier que j'étais
Et l'admirais afin d'oublier qui j'étais.
Je m'abîmais en elle et fracassais ce moi,
Ce moi que je haïssais autant que je la chérissais.

Tout en elle était mystère
Qui voulait la connaître brûlait à jamais dans la lumière.
Et lorsque l'on croyait l'avoir domptée,
Elle s'évaporait dans le feu des lumières de la nuit.

L'amour tout entier n'est-il pas uniquement
Une tentative désespérée et vouée à l'échec
D'accéder aux ultimes paradis perdus !

Retrouver dans les lignes de ce corps perclus,
Les cercles parfaits du ciel et des enfers
Et dans ces formes ovales les sensations vespérales
De tous les arts, de Botticelli à Picasso,
En passant par Fragonard, Delacroix, Picabia et Miro.

©2010 Marwan Elkhoury

Thursday, January 7, 2010

J'ai vu le paradis j'ai vu l'enfer

j'ai vu le paradis
j'ai vu l'enfer
j'ai pleuré
devant le paradis
j'ai pleuré
devant l'enfer

j'ai vu la vie
j'ai vu la mort
j'ai pleuré
devant la vie
j'ai pleuré
devant la mort

j'ai connu l'espoir
j'ai connu le desespoir
j'ai pleuré
devant l'espoir
j'ai pleuré
devant le desespoir

j'ai connu la richesse
j'ai connu la pauvreté
j'ai pleuré
devant la richesse
j'ai pleuré
devant la pauverté

j'ai connu l'amour
j'ai connu la haine
j'ai pleuré
devant l'amour
j'ai pleuré
devant la haine

j'ai vu la paix
j'ai vu la guerre
j'ai pleuré
devant la paix
j'ai pleuré
devant la guerre

j'ai su la beauté
j'ai su la laideur
j'ai pleuré la beauté
j'ai pleuré la laideur

j'ai su la liberté
j'ai su la prison
j'ai pleuré la liberté
j'ai pleuré la prison

j'ai vu le soleil
j'ai vu la nuit
j'ai pleuré
au soleil
j'ai pleuré
dans la nuit

j'ai vu Beyrouth
j'ai vu New York
j'ai pleuré Beyrouth
j'ai pleuré New york

j'ai vu mon poème
j'ai vu mes larmes
j'ai pleuré mon poème
et séché mes larmes.

©2010 Marwan Elkhoury

Friday, July 24, 2009

Les arbres de la mer

Je regarde les oliviers qui descendent la mer,
Rangs serrés, glorieuse armée devant l'éternel,
Partis à la conquête de l'inutile, vagues amères,
Ployant leurs branches dans l'immensité du charnel.

Ils noyaient l'océan de leur baume doré,
Et mêlant au suc noir le bleu tapis des flots,
Réfléchissaient la masse du monde sur ce froid mohair,
Et broyaient l'univers d'un long gémissement clos.

Les arbres lavaient leurs branches dans l'orgueil de la mer,
Leur regard dans les cieux, les pieds dans les coquillages,
Défiant les dieux et les gardiens du rivage,
Se riant du frel humain, de son bref mystère.

Je descendais les marches du temps vers les grands auvents,
Suivi comme une ombre des multiples questions du visible,
Ce foisonnement de roses et de jasmins,
Ce bouleversement de soies vertes et d'airs marins,
Ces tremblements de la main devant l'invisible.

Je t'accompagnais, toi, ô, la reine des dieux,
Toi, l'Athéna d'une Olympe morte,
Qui trônait sur ce monde du milieu,
Monde en pleine floraison, maintes natures tendues,
Régnant sur le lieu des figures déchues,
Fortifiant les coeurs faibles, épousant les âmes fortes.

Je ne pouvais que m'en approcher à distance,
Tant elle était elle,
Ne pouvant qu'endurer l'aveuglement de ses prestances.
La beauté de son aura brûlait mon faible coeur,
Les parfums portés par le vent des ailes,
Calmaient mes morsures mortelles,
Embaumant mon corps de mille extatiques sueurs.

Elle était la petite fille que je tenais du rêve,
Celle qui me guidait dans l'énigme du souvenir,
Me tenant la main pour me montrer la grève,
J'étais le seigneur latent sans devenir,
Le sourire du dieu enfant me soulevant au-dessus du rêve.

Sans elle, ni passé, ni présent ni même d'univers,
Ne pourraient troubler l'orbe du désespoir,
Ni arbres, ni ciel, ni terre, ni mer,
Ne seraient sans l'ombre du répertoire.

Temple de l'éternel bonheur, terme de l’éternelle beauté,
Me demandant si c'était là où il fallait vivre
Ou si ce n'était là où je devais mourir,
Qui de cette terre aride en faisait un paradis,
Ce pays que j'aimais et qui était tien,
Ce pays que tu aimais et qui était mien.

Les oliviers descendent sur la mer,
A l'aube des grandes manoeuvres millénaires,
Mêlant leur suc noir au bleu tapis fauve,
Ce foisonnement de roses et de jasmins mauves,
Ce frémissement du miroir en plein désarroi.

© 2009 Marwan Elkhoury

Thursday, February 19, 2009

Le pécheur

Il court, il court le pécheur
Il court par monts, il court par vaux
Il court parce qu'il a péché
Il se cache puisqu'il a péché.

Il se cache mais n'a nulle part où aller
Dieu qui tout voit, dieu qui tout sait
Sait déjà où il ira avant même qu'il y aille.

De jour comme de nuit, il fuit
De nuit comme de jour, il court.

Il court, il court le pécheur
Il se cache puisqu'il a péché
Il se cache mais n'a nulle part où aller
Il sait qu'où qu'il aille, dieu saura le retrouver.

Mais il court, il court le pécheur
Car il n'a nulle part où aller.
Il court, il tombe le pécheur,
Car il n'a nulle part où courir.

Il tombe et se blesse le pécheur,
Car il a fauté.
Il se blesse à mort le pécheur,
Puisqu'il a péché.

En sang, en larmes, il court toujours,
Car s'il s'arrête il est arrêté.
Il court il court le pécheur.
Il ne peut s'arrêter sans courir tous les dangers

De quoi est-il fautif le pécheur,
Comment le saurait-il.
Suffit d'être homme, pour être péché.
S'il pèche, il pèche par excès,
Et pèche par défaut s'il ne pèche pas.

Il a péché contre eux, il a péché contre dieu,
Voilà ce qui lui est reproché.
En fait, peu importe le péché.
Suffit de vivre pour être péché.

Demandera-t-il pardon au dieu miséricordieux
Dieu lui pardonnera-t-il ?
Ça, jamais ne le saura-t-il.
Les voies de dieu restent un mystère
Et ses voix très austères.

Il court, il court le pécheur.
Il n'a d'autres recours que courir.
Il court, il court le pécheur.
Il n'a d'autres parcours que mourir.

©2009 Marwan Elkhoury

Wednesday, February 18, 2009

Si j'ai du goût

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Que pour les déserts,
Les mers de sable,
Les horizons sans fins,
Les vertigineuses hauteurs.

Si j'ai du goût ce n'est guère
Que pour les pierres,
Et le sable de la mer,
Les couchers de soleil,
Et les levers de lune.

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Que pour les soleils noirs qui illuminent mes jours,
Et les astres rouges qui éclairent mes nuits,
Qui brûlent et qui sèchent ma vie et la nuit.

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Pour l'humain, humain trop humain,
Petites gens, petites pantins,
Qui quand ils prêchent
Petit ou grand, ne prêchent guère
Que l'argent, l'amour et la guerre,
Ou l'amour de la guerre.

Si j'ai du goût ce n'est guère
Que pour les cimetières,
Les milliers de stèles de pierres
De marbre, alignées et bien rangées,
Des vies bien rangées et bien casées
Pour l'éternité,
Quelques fleurs fanées entre chacune,
Et quelques rares vivants entre les urnes

Je n'ai de goût que pour les anges
Qui descendent dans la nuit de mes marais dorés.
Je n'ai de goût que pour la fange
Qui monte des bas-fonds des quartiers mal famés

Le paradis est un enfer,
Un enfer d'ennui, de silence et d'absence.
Ni querelles, ni passions, ni désirs,
Que plénitude, magnitude et terne mansuétude.

L'enfer est un paradis
Qui brûle, qui craque et qui vit.
L'enfer, ce n'est pas les autres,
Mon cher ami, l'enfer,

L'enfer, mon cher ami,
L'enfer, c'est toi, c'est moi,
L'enfer, mon cher ami,
L'enfer, c'est nous !
Où que nous allions,
Quoique nous fassions,
Nous le promenons toujours avec nous.

Demain dès l'aube je partirai
Je partirai par les vers
Je partirai par les airs
Je partirai par les cieux
Je partirai vers les dieux.

Oui, je partirai,
Retrouver mon enfer
Pardieu.

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, February 10, 2009

Le péché originel

Mon paradis à moi, c'est quoi ?
Mon paradis à moi, c'est toi,
Ce sont tes yeux couleur d'azur,
Ta chevelure d'ange
Qui me torture,
Tes seins si purs,
Ta bouche vermeille
Qui de groseille s'épure.

Comme dans la chanson: tu m'as quitté
Pour un bouquet de fleurs
Que je ne t'ai pas donné
Il y a longtemps que je t'aime
Plus longtemps que tu ne m'as oublié
Jamais je ne t'oublierai.

Puisque dieu est dieu
Et que l'homme est homme
Il est de ses prérogatives
De chasser du paradis l'homme
Pour une aussi erratique broutille
Que de croquer dans une belle pomme
Couleur myrtille.

Désobéir est humain
Comme punir est divin.
Dans cette vie sans rien
La tentation est grande
De faire un esclandre
Pour un petit bout de pomme
Bien appétissante
pom pom pom pom pom.

Dieu a besoin des hommes pour être dieu,
Satan n'a besoin de rien pour être lui-même.
Sans les hommes, dieu est un tout sans rien.
Encore lui faut-il ce rien pour être un tout.

Satan, dieu du mal, Satan, dieu du rien
Et de ce rien en fait un tout,
Aime les hommes comme nul autre bien.

Les hommes le lui rendent bien
De ces hommes, il en fait des dieux,
Des princes, des conquérants et des preux.

Pour accéder au fruit de la connaissance
Bazarder l'ennui de la béate inconnaissance
Il a fallu se résoudre à la révolte béante
Quitte à gagner les raisins
De la colère d'un dieu tout-puissant.

Que n’ont-ils préféré être seigneurs
En enfer, que serviteurs au ciel,
Accéder aux riches heures
Sans nuls autres bonheurs.

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, February 3, 2009

Le monde de demain

Le monde de demain,
Comme celui d'aujourd'hui
Sera cruel ou ne sera pas,

Un siècle de guerres et de morts,
Un siècle d'envies et de corps,
Un siècle de viols et de vols,
De pillages et de terreurs.

Le monde de demain,
Comme celui d'aujourd'hui,
Sera esprit ou ne sera pas.

Nous serons guidés
Par des hordes de clones
Qui fabriqueront
Machines et amours
Pour la nouvelle aube.

Nous danserons
La Java dans les eaux fumeuses,
Au-dessous des volcans de l'enfer.
Les flammes nous lècheront les nerfs,
Raviveront nos assoupies ardeurs.

J’ai vu Gaza et j'ai vu Beyrouth
J’ai vu Baghdad et j'ai vu Kaboul
J'ai vu la Havane et j'ai vu Santiag,
J'ai vu Hanoi et j'ai vu Phnon-Penh.

La vie sera la mort,
La mort sera la vie,
Le bonheur fera notre malheur,
Le malheur fera notre bonheur,

L’amour sera la haine,
Et la haine sera l'amour,
Le beau sera le laid,
Et le laid sera le beau.

Le soleil brillera des nuits,
Des nuits qui seront l'éternité.
Et nos jours seront sans ombres,
Des jours qui seront une infinité d'infinités.
Les heures seront longues,
L'espace sera illimité.

Ni dieux ni christs,
Ni mahomets, ni bouddhas,
D’autres prophètes viendront,
Prêcher la nouvelle race.

D’êtres sans êtres,
D'êtres sans histoires,
Demain nous aurons des histoires
Faites de chocs programmés.

Il faut changer tout ça,
Dis-je, ou nous serons finis,
Je me tourne dans un sens,
Que vois-je ? Rien !
Et dans l'autre, je ne vois rien venir.
Débarrassons-nous du passé, du présent et du futur
Et commençons une nouvelle vie.

L'insouvenance d'un paradis perdu
Nous plonge dans une nostalgie déçue.
Les seuls vrais paradis sont ceux que l'on a jamais eus.

© 2009 Marwan Elkhoury

Sunday, February 1, 2009

Les paradis perdus de mon enfance

Les paradis perdus de mon coeur
Quand la terre chantait encore
Et la terre nous riait de tout son or
Et la terre ne tremblait pas encore.

Quand les enfants jouaient à poule canard
Un deux trois soleil à faire éclater des pétards
Au lieu de brûler de tous leurs souffles
Le souffle des bombes au soufre.

Quand les filles riaient de tout
Avant de pleurer leurs amants perdus
Quand les hommes buvaient de tous les crus
Leur bonheur d'être aimés toujours
Quand, sous le soleil de minuit,
Nous dansions nus sur la plage de nuit
Enveloppés dans la vague sans bruit

Les paradis perdus de mon coeur
C'était le temps d'autres temps
Les temps où l’on était heureux encore
Les temps où le bonheur se déclinait encore
À tous les modes à tous les temps

Les paradis perdus de mon corps
C'était le temps où l’on avait le temps
Le temps de vivre et d'être sensible encore
C'était le temps où il y avait un temps
Le temps où vivre était possible encore

Adieu paradis perdus de mon enfance
Adieu mon petit pays en trance
Adieu ma petite guerre en terre
Adieu mes rêves d'adolescent sans repères
Adieu mes nuits douces d'amour
Adieu mes jours de pleins jours

Adieu mes paradis bonjour mes tristesses
L'arme au poing les milices se baladent
Dans mes rêves d'enfance fracassés
L'arme au poing les milices se baladent
Dans mes rêves de paradis bouleversés

Bien sûr nous avons tout perdu
Bien sûr le paradis bien sûr
Mais au fond nous avons bien gagné
Un fabuleux enfer bien mérité
D'étoiles éclatantes et des terres
Où le lait et le miel coulent à flot
Où les dires de l'amour brouillent nos mots

Ne t'en fais pas tout partira
Enfer comme paradis rien ne restera
Ni pleurs ni rires
Ni peurs ni cris
Ni plaintes ni craintes
Ni gènes ni feintes

C'est sûr nous avons tout perdu
C'est sûr je le reconnais
Mais bien sûr nous avons gagné
L'amour de l'enfer retrouvé.

©2009 Marwan Elkhoury

Monday, January 12, 2009

suis-je celui que le vent a créé

qui suis-je ?
suis-je celui que le vent a créé
Suis-je alors ce vent, ou le vent c'est moi
Suis-je les nuages, ou serait-ce ces nuages qui m’ont créé
Je suis la vague, la vague c’est moi,
Toujours la même, toujours autre,

Qui suis-je,
la montagne, la lune, la vague, le fleuve, la rivière,
un air de musique, un quintet de Schubert,
une étoile filante, un flocon de neige,
une goutte de pluie sur une vitre fêlée,
d’où je viens : de nulle part,
où vais-je : nulle part,

Mon pays n’existe pas encore,
n’a jamais existé ou a disparu,
effacé de la carte ou oublié des hommes
Terra incognita dont on n’entend parler que par oui-dire,
comme d’un mythe tres ancien,
ou d'un triangle des bermudes,
Comme un après-midi d’enfer ou un avant-midi de paradis,
d’un paradis perdu, comme tous les paradis,
comme tout commence au paradis et finit en enfer.

Je suis cette gorgée de cafe turc amer
que je sirote lentement au lever du soleil,
sur la nappe à carreaux blancs et verts,
posée sur le Bosphore, dans la brume de merveilles,

La brume me cache la fuite de mes amours trahis,
je ne l’ai pas vue partir,
elle est partie comme la mort,
sans jamais se retourner, d’un coup de vent,
les cheveux aux vents,
je ne me suis même pas retourné pour la saluer,
la regarder aurait été trop dechirant,

elle était l’aurore qui s’envole,
comment conserver l’aurore dans ses mains,
je ne la conservais que comme un point noir dans la rétine
aveuglé par la beauté de l’absence
elle m’avait retrouvé au moment du départ
je ne l’avais reconnue que parce qu’elle s’etait éloignée
elle etait Juive et j’etais Arabe

elle fut tout pour moi,
mon premier et mon dernier amour,
je l’aimais
plus longtemps qu'elle ne m'avait jamais aimé
je n’etais pas grand-chose pour elle,
puisqu’elle en épousa un autre
tout en préférant Jérusalem à nous deux

pendant que nous nous occupions à nous éloigner
l'un de l'autre, la guerre se rapprochait
et fatalement nous rapprochait
à nouveau, le grand jour arriva
où, fatalement, nous nous retrouvâmes,
de part et d’autre de la ligne de nos âmes,
de coups cette fois-ci, nous ne tirâmes,
ni elle ni moi, je vous le précise,
et là je compris
qu’elle devait, et combien, m’aimer
bien qu’elle ne me l’avait jamais
vraiment avoué

peut-être même, qu'en fait, même
elle m’avait toujours aimé,
et peut-être même, qu'en fait, même,
elle m’avait aimé plus que je ne l’avais aimée.

je ne la revis jamais plus,
séparés que nous étions
par le mur de la honte et de l’échec

l’existence on ne la vit qu’après coup
dans le souvenir des larmes
le présent se définit
au futur par rapport au passé
et l’amour ah oui l'amour
se conjugue dans un passé
décomposé plus qu’imparfait

les massacres se font sans tragédies aujourd’hui
sans bannieres sans frémissements et sans bruits
pas de voix de femmes
ni de voix d’hommes qui hululent
dans le silence des bombes
sauf un enfant la tête dans la poussière.

peut-être que l’absence de tragédie
est notre veritable tragédie.
les choses ont le goût
de la victoire pour ceux qui crurent
et le goût de l’exil pour ceux qui disparurent
une clef autour du cou et leur amour perdu

qu’est-ce que cela fait
que l’homme vive ou crève,
quelle importance
il n’est qu’un piteux accident
sans grande conséquence

dans la symphonie des constellations,
dieu merci nous ne sommes pas immortels
nos vicissitudes ne durent qu’un temps
et l’infiniment petit de notre
vie se perds déjà dans l’infiniment grand du temps

Il y a encore cette musique de Schubert
qui me trotte dans la tête
depuis tantôt, depuis toujours, depuis que,
petit, quand ma mère, le visage en larmes,
soulevait le grand battant du piano noir
et jouait ces notes blanches et noires
pour faire valser la tristesse de mes jours

J’aime aragon et mahmoud darwich,
verlaine et beaudelaire,
proust et ses heures riches,
edgar allan poe, kafka et faulkner,

Non, rien de rien, non je ne regrette rien,
Je dors dans le vide de mon texte
et mon texte n'est pas mon identité,

J’ai le passé de mes étoiles et mon futur est mon passé
« nous errons à travers des demeures vidées,
sans chaines sans draps blancs sans plaintes et sans idées,
spectres du plein midi revenant du plein jour
fantômes d’une vie où l’on parlait d’amour », Aragon, vingt ans après,

© 2009 Marwan Elkhoury

Je me souviens

l’heure de ma fin arrive,
la fin de ma fin aussi,

cette heure qui ne tient plus
qu’au fil du texte 

une fois apposé le point final
sur la dernière ligne
 je partirais
sans plainte et sans remords
et je serais oublié


je ne demande qu’une seule chose 

c’est de mourir en paix
loin de cette terre
En sang, divisée, déchirée. 


je me rappelle encore

cette demeure qui était mienne
celle qui n’existe plus

ces pins tordus
par les vents qui soufflaient
sans cesse 
les déjeuners sous le vieux caroubier
dont les fruits noirs sur les grosses branches lourdes
nous caressaient l’échine en mangeant 

les parties de tawleh dans le jardin

le thé à l'ombre des bougainvilliers
notre premier amour dans le temple de Bacchus 

le lever de lune à travers les colonnes romaines brisées

les cris des enfants dans l’étang


les chevaux de feu tombant
dans la mer à grands coups de sabots
d’écumes et d’éclaboussures.

je me souviens je me souviens je me souviens


je me souviens d’une cité de palais
de 
coussins soyeux
des fontaines de marbre
les clairs de lune dans un ciel indécent,
de ton sein brûlant dans ma paume, tremblant


je me souviens des soirées au coin du feu

se remémorant le passé glorieux
de nos ancêtres

les batailles de Ain Dara et de Majdaloun

qui nous assuraient
à grands coups de sabre et de couteaux
un avenir tout aussi glorieux que le leur


ils ne pouvaient savoir que leurs déchaînements fougueux
nous amèneraient l’esclavage et l’humiliation

que leurs conquêtes allaient devenir notre honte

que leurs haut faits d’armes notre perdition
et leurs récompenses notre anéantissement


aujourd’hui nous traînons notre gloire passée
dans les bas-fonds de Chicago

tenant tête aux truands de cabarets
pour un droit de dépucelage

nous pavanant sur les scènes du monde entier

échangeant mélodrames contre petites pièces trébuchantes


le public, ces jours-ci n’est plus friand
que d’histoires qui finissent bien

et la nôtre finit
comme finissent toutes les histoires, mal

déjà qu’elles finissent,
en soi peut être un bien,

car au moins nous sommes rassurés
que même le mal a une fin.

© 2009 Marwan Elkhoury

Friday, January 2, 2009

Le diable

Le diable est mon frère, mon ami,
Mon compagnon des beaux et des mauvais jours.
À peine né et bien avant d'ouvrir les yeux, il était déjà à mes côtés,
Et, depuis ce moment fatidique, ne m'a plus jamais quitté.

Qu'est-ce que je connais du ciel. Rien.
Mais l'enfer est mon quotidien,
Guerres, cataclysmes et maladies,
Sont le pain de mes beaux jours
Et de mes mauvais jours,
Mieux vaut n'en pas parler.

Pour pallier à toutes les faiblesses
De ma faible constitution,
Depuis le berceau jusques au tombeau,
Tu n'as eu de cesse de me tenter,
Me comblant de richesses et de plaisirs
En satisfaisant presque tous mes désirs.
Tu as permis à mon imagination de s'envoler,
Me faisant oublier la dure vérité de la vie.

C'est de toi que j'ai tout appris,
Du bien jusqu'au mal,
Avec toi, j'ai bu le vin de la connaissance,
Et tu m'as fait connaître le beau et le moins beau
Tu m'as appris à compter
Et surtout, à ne compter sur rien,
Tu m'as appris à dire oui, mais surtout à dire non.
Tu m'as appris à connaître que rien
De ce qui existe n'est ou ne mérite d'être
Mais surtout à connaître que tout ce qui est n'est pas ce qui est,
Et que tout ce qui n'est pas l'est encore moins.

Tu es la révolte, le refus, la transcendance,
L'amour, la haine, l'ascendance,
La folie, le stupre, la luxure, les tentations,
La gourmandise, l'envie, la contestation,
Tu es le tout, sans qui, sans toi, je ne serais rien.

Celui qui a fait le ciel et la terre,
Et le bien et le mal, m'a créé une âme damnée
Que j'ai donné, damné,
Au diable, faute de pouvoir la donner
À dieu qui me l'a refusée.

Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné,
Et fait si faible, pour que j'abdique et
Que je ne puisse lui résister.

Maintenant que j'ai pris goût à le suivre,
Je n'aspire plus à rien d'autre qu'à rester à ses côtés
Que me fait d'être, pour le restant de mes jours, damné
Je l'étais déjà, dès le premier moment de mon existence.

©2008 Marwan Elkhoury

Wednesday, December 31, 2008

Paradis Perdus

Le paradis, il faut l'avoir connu
Pour le pouvoir encore perdre.
Heureux ceux, qui, comme nous,
Ne l'ont jamais connus
Car ils ne pourront jamais le perdre.

Trompés par Satan,
Qui, déguisé en serpent,
Les tentèrent du fruit défendu.

Satan leur dit: Mangez et vous verrez !
Ils mangèrent le fruit de la Connaissance,
Et furent chassés de tout ce qu'ils avaient,
Auparavant, connus.

La pomme avait un goût délicieux
Eve croqua en première dedans
Puis la donna à Adam
Qui fut lui aussi tenté
Et croqua à pleines dents.

L'instant d'après,
Ils furent perdus
Au calme de l'inexistence
Et furent gagnés
Aux fracas de l'existence.

Croyant, jusqu'à prèsent,
Être le soleil de l'univers
Ils chutèrent dans le chaos des Enfers.

En acquérant la connaissance
Ils en acquirent l'inconnaissance,
Et gérèrent leur reste de vie
Aussi bien que leur permettait
Leur notoire incompétence.

Chassés de l'Eden,
Ils ne connurent plus que peines
Ils eurent froid
Et se parèrent de laines.
Ils se sentirent nus
Et se couvrirent de chaînes.

Adam se fit nommer roi
Et fit d'Eve sa reine.
Commencèrent alors
Romances et violences,
Dans ce monde de haines et d'errance.

Celui par lequel tout fut,
On n'en parla jamais plus,
Son Nom n'est jamais prononcé
De peur d'être, à vie, damné.

Dieu les chassa du paradis,
Et, depuis ce jour fatidique,
Ils, en vain, cherchèrent
Paix et recueillement sur terre,
Dans les cieux et sur mer,

A présent, nous, misérables héritiers
Du premier homme et de la première femme,
Nous vivons dans un monde sans monde,
Des jours sans jours et des nuits sans nuits
Des jours de nuits sans jours,
Et des nuits de jours sans nuits.

Nous vivons à présent un temps sans temps,
Ressentons des sentiments sans sentiments
Dénués de tout affect et boniments.

L'enfer, mon cher ami,
L'enfer, ce n'est pas les autres,
Mon cher ami, l'enfer, c'est nous !

Croyez-moi, le paradis, aussi, était enfer,
Un enfer d'ennui, de silence et d'absence.
Sans querelles, ni passions, ni désirs,
Que béate platitude et plénitude,
Magnitude et terne mansuétude.

Honte aux dieux,
Qui nous ont laissé, nous,
Pauvres êtres perdus,
A la merci du diable et de ses tentations,
Qui tenta et trompa la femme,
Lui offrant le fruit défendu.

Et Adam, n'osant contrarier la belle Eve,
Goûta aussi au fruit défendu,
Préférant tout perdre,
Même un Paradis
Afin de ne pas la perdre, Elle, l'Eve,

A tout vouloir gagner à tout prix,
L'Eve et le Paradis,
Ils finirent par tout perdre à tout jamais,
Eux-mêmes tout aussi niais.

Ceux qui, comme nous, sont nés en enfer
Et qui n'ont connus que cela,
Doivent bien y croire comme fer,
Que leur enfer vaut bien tous les paradis.

Tu leur as donné la liberté,
Que voulais-tu qu'ils fassent
De ce qui n'était point pour eux.

Ils en ont fait ce qu'ils ont pu,
Faire du paradis un enfer,
Et de l'enfer, un paradis.

Peu importe où nous allons,
Et quoique nous fassions,
Notre enfer, toujours,
Avec nous, sera retrouvé.

© 2008 Marwan Elkhoury