l’heure de ma fin arrive,
la fin de ma fin aussi,
cette heure qui ne tient plus
qu’au fil du texte
une fois apposé le point final
sur la dernière ligne
je partirais
sans plainte et sans remords
et je serais oublié
je ne demande qu’une seule chose
c’est de mourir en paix
loin de cette terre
En sang, divisée, déchirée.
je me rappelle encore
cette demeure qui était mienne
celle qui n’existe plus
ces pins tordus
par les vents qui soufflaient
sans cesse
les déjeuners sous le vieux caroubier
dont les fruits noirs sur les grosses branches lourdes
nous caressaient l’échine en mangeant
les parties de tawleh dans le jardin
le thé à l'ombre des bougainvilliers
notre premier amour dans le temple de Bacchus
le lever de lune à travers les colonnes romaines brisées
les cris des enfants dans l’étang
les chevaux de feu tombant
dans la mer à grands coups de sabots
d’écumes et d’éclaboussures.
je me souviens je me souviens je me souviens
je me souviens d’une cité de palais
de
coussins soyeux
des fontaines de marbre
les clairs de lune dans un ciel indécent,
de ton sein brûlant dans ma paume, tremblant
je me souviens des soirées au coin du feu
se remémorant le passé glorieux
de nos ancêtres
les batailles de Ain Dara et de Majdaloun
qui nous assuraient
à grands coups de sabre et de couteaux
un avenir tout aussi glorieux que le leur
ils ne pouvaient savoir que leurs déchaînements fougueux
nous amèneraient l’esclavage et l’humiliation
que leurs conquêtes allaient devenir notre honte
que leurs haut faits d’armes notre perdition
et leurs récompenses notre anéantissement
aujourd’hui nous traînons notre gloire passée
dans les bas-fonds de Chicago
tenant tête aux truands de cabarets
pour un droit de dépucelage
nous pavanant sur les scènes du monde entier
échangeant mélodrames contre petites pièces trébuchantes
le public, ces jours-ci n’est plus friand
que d’histoires qui finissent bien
et la nôtre finit
comme finissent toutes les histoires, mal
déjà qu’elles finissent,
en soi peut être un bien,
car au moins nous sommes rassurés
que même le mal a une fin.
© 2009 Marwan Elkhoury
Lettre A Pierre
1 month ago
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