Monday, January 12, 2009

Je me souviens

l’heure de ma fin arrive,
la fin de ma fin aussi,

cette heure qui ne tient plus
qu’au fil du texte 

une fois apposé le point final
sur la dernière ligne
 je partirais
sans plainte et sans remords
et je serais oublié


je ne demande qu’une seule chose 

c’est de mourir en paix
loin de cette terre
En sang, divisée, déchirée. 


je me rappelle encore

cette demeure qui était mienne
celle qui n’existe plus

ces pins tordus
par les vents qui soufflaient
sans cesse 
les déjeuners sous le vieux caroubier
dont les fruits noirs sur les grosses branches lourdes
nous caressaient l’échine en mangeant 

les parties de tawleh dans le jardin

le thé à l'ombre des bougainvilliers
notre premier amour dans le temple de Bacchus 

le lever de lune à travers les colonnes romaines brisées

les cris des enfants dans l’étang


les chevaux de feu tombant
dans la mer à grands coups de sabots
d’écumes et d’éclaboussures.

je me souviens je me souviens je me souviens


je me souviens d’une cité de palais
de 
coussins soyeux
des fontaines de marbre
les clairs de lune dans un ciel indécent,
de ton sein brûlant dans ma paume, tremblant


je me souviens des soirées au coin du feu

se remémorant le passé glorieux
de nos ancêtres

les batailles de Ain Dara et de Majdaloun

qui nous assuraient
à grands coups de sabre et de couteaux
un avenir tout aussi glorieux que le leur


ils ne pouvaient savoir que leurs déchaînements fougueux
nous amèneraient l’esclavage et l’humiliation

que leurs conquêtes allaient devenir notre honte

que leurs haut faits d’armes notre perdition
et leurs récompenses notre anéantissement


aujourd’hui nous traînons notre gloire passée
dans les bas-fonds de Chicago

tenant tête aux truands de cabarets
pour un droit de dépucelage

nous pavanant sur les scènes du monde entier

échangeant mélodrames contre petites pièces trébuchantes


le public, ces jours-ci n’est plus friand
que d’histoires qui finissent bien

et la nôtre finit
comme finissent toutes les histoires, mal

déjà qu’elles finissent,
en soi peut être un bien,

car au moins nous sommes rassurés
que même le mal a une fin.

© 2009 Marwan Elkhoury

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