Friday, July 24, 2009

Les arbres de la mer

Je regarde les oliviers qui descendent la mer,
Rangs serrés, glorieuse armée devant l'éternel,
Partis à la conquête de l'inutile, vagues amères,
Ployant leurs branches dans l'immensité du charnel.

Ils noyaient l'océan de leur baume doré,
Et mêlant au suc noir le bleu tapis des flots,
Réfléchissaient la masse du monde sur ce froid mohair,
Et broyaient l'univers d'un long gémissement clos.

Les arbres lavaient leurs branches dans l'orgueil de la mer,
Leur regard dans les cieux, les pieds dans les coquillages,
Défiant les dieux et les gardiens du rivage,
Se riant du frel humain, de son bref mystère.

Je descendais les marches du temps vers les grands auvents,
Suivi comme une ombre des multiples questions du visible,
Ce foisonnement de roses et de jasmins,
Ce bouleversement de soies vertes et d'airs marins,
Ces tremblements de la main devant l'invisible.

Je t'accompagnais, toi, ô, la reine des dieux,
Toi, l'Athéna d'une Olympe morte,
Qui trônait sur ce monde du milieu,
Monde en pleine floraison, maintes natures tendues,
Régnant sur le lieu des figures déchues,
Fortifiant les coeurs faibles, épousant les âmes fortes.

Je ne pouvais que m'en approcher à distance,
Tant elle était elle,
Ne pouvant qu'endurer l'aveuglement de ses prestances.
La beauté de son aura brûlait mon faible coeur,
Les parfums portés par le vent des ailes,
Calmaient mes morsures mortelles,
Embaumant mon corps de mille extatiques sueurs.

Elle était la petite fille que je tenais du rêve,
Celle qui me guidait dans l'énigme du souvenir,
Me tenant la main pour me montrer la grève,
J'étais le seigneur latent sans devenir,
Le sourire du dieu enfant me soulevant au-dessus du rêve.

Sans elle, ni passé, ni présent ni même d'univers,
Ne pourraient troubler l'orbe du désespoir,
Ni arbres, ni ciel, ni terre, ni mer,
Ne seraient sans l'ombre du répertoire.

Temple de l'éternel bonheur, terme de l’éternelle beauté,
Me demandant si c'était là où il fallait vivre
Ou si ce n'était là où je devais mourir,
Qui de cette terre aride en faisait un paradis,
Ce pays que j'aimais et qui était tien,
Ce pays que tu aimais et qui était mien.

Les oliviers descendent sur la mer,
A l'aube des grandes manoeuvres millénaires,
Mêlant leur suc noir au bleu tapis fauve,
Ce foisonnement de roses et de jasmins mauves,
Ce frémissement du miroir en plein désarroi.

© 2009 Marwan Elkhoury

Thursday, February 19, 2009

Le pécheur

Il court, il court le pécheur
Il court par monts, il court par vaux
Il court parce qu'il a péché
Il se cache puisqu'il a péché.

Il se cache mais n'a nulle part où aller
Dieu qui tout voit, dieu qui tout sait
Sait déjà où il ira avant même qu'il y aille.

De jour comme de nuit, il fuit
De nuit comme de jour, il court.

Il court, il court le pécheur
Il se cache puisqu'il a péché
Il se cache mais n'a nulle part où aller
Il sait qu'où qu'il aille, dieu saura le retrouver.

Mais il court, il court le pécheur
Car il n'a nulle part où aller.
Il court, il tombe le pécheur,
Car il n'a nulle part où courir.

Il tombe et se blesse le pécheur,
Car il a fauté.
Il se blesse à mort le pécheur,
Puisqu'il a péché.

En sang, en larmes, il court toujours,
Car s'il s'arrête il est arrêté.
Il court il court le pécheur.
Il ne peut s'arrêter sans courir tous les dangers

De quoi est-il fautif le pécheur,
Comment le saurait-il.
Suffit d'être homme, pour être péché.
S'il pèche, il pèche par excès,
Et pèche par défaut s'il ne pèche pas.

Il a péché contre eux, il a péché contre dieu,
Voilà ce qui lui est reproché.
En fait, peu importe le péché.
Suffit de vivre pour être péché.

Demandera-t-il pardon au dieu miséricordieux
Dieu lui pardonnera-t-il ?
Ça, jamais ne le saura-t-il.
Les voies de dieu restent un mystère
Et ses voix très austères.

Il court, il court le pécheur.
Il n'a d'autres recours que courir.
Il court, il court le pécheur.
Il n'a d'autres parcours que mourir.

©2009 Marwan Elkhoury

Wednesday, February 18, 2009

Si j'ai du goût

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Que pour les déserts,
Les mers de sable,
Les horizons sans fins,
Les vertigineuses hauteurs.

Si j'ai du goût ce n'est guère
Que pour les pierres,
Et le sable de la mer,
Les couchers de soleil,
Et les levers de lune.

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Que pour les soleils noirs qui illuminent mes jours,
Et les astres rouges qui éclairent mes nuits,
Qui brûlent et qui sèchent ma vie et la nuit.

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Pour l'humain, humain trop humain,
Petites gens, petites pantins,
Qui quand ils prêchent
Petit ou grand, ne prêchent guère
Que l'argent, l'amour et la guerre,
Ou l'amour de la guerre.

Si j'ai du goût ce n'est guère
Que pour les cimetières,
Les milliers de stèles de pierres
De marbre, alignées et bien rangées,
Des vies bien rangées et bien casées
Pour l'éternité,
Quelques fleurs fanées entre chacune,
Et quelques rares vivants entre les urnes

Je n'ai de goût que pour les anges
Qui descendent dans la nuit de mes marais dorés.
Je n'ai de goût que pour la fange
Qui monte des bas-fonds des quartiers mal famés

Le paradis est un enfer,
Un enfer d'ennui, de silence et d'absence.
Ni querelles, ni passions, ni désirs,
Que plénitude, magnitude et terne mansuétude.

L'enfer est un paradis
Qui brûle, qui craque et qui vit.
L'enfer, ce n'est pas les autres,
Mon cher ami, l'enfer,

L'enfer, mon cher ami,
L'enfer, c'est toi, c'est moi,
L'enfer, mon cher ami,
L'enfer, c'est nous !
Où que nous allions,
Quoique nous fassions,
Nous le promenons toujours avec nous.

Demain dès l'aube je partirai
Je partirai par les vers
Je partirai par les airs
Je partirai par les cieux
Je partirai vers les dieux.

Oui, je partirai,
Retrouver mon enfer
Pardieu.

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, February 10, 2009

Le péché originel

Mon paradis à moi, c'est quoi ?
Mon paradis à moi, c'est toi,
Ce sont tes yeux couleur d'azur,
Ta chevelure d'ange
Qui me torture,
Tes seins si purs,
Ta bouche vermeille
Qui de groseille s'épure.

Comme dans la chanson: tu m'as quitté
Pour un bouquet de fleurs
Que je ne t'ai pas donné
Il y a longtemps que je t'aime
Plus longtemps que tu ne m'as oublié
Jamais je ne t'oublierai.

Puisque dieu est dieu
Et que l'homme est homme
Il est de ses prérogatives
De chasser du paradis l'homme
Pour une aussi erratique broutille
Que de croquer dans une belle pomme
Couleur myrtille.

Désobéir est humain
Comme punir est divin.
Dans cette vie sans rien
La tentation est grande
De faire un esclandre
Pour un petit bout de pomme
Bien appétissante
pom pom pom pom pom.

Dieu a besoin des hommes pour être dieu,
Satan n'a besoin de rien pour être lui-même.
Sans les hommes, dieu est un tout sans rien.
Encore lui faut-il ce rien pour être un tout.

Satan, dieu du mal, Satan, dieu du rien
Et de ce rien en fait un tout,
Aime les hommes comme nul autre bien.

Les hommes le lui rendent bien
De ces hommes, il en fait des dieux,
Des princes, des conquérants et des preux.

Pour accéder au fruit de la connaissance
Bazarder l'ennui de la béate inconnaissance
Il a fallu se résoudre à la révolte béante
Quitte à gagner les raisins
De la colère d'un dieu tout-puissant.

Que n’ont-ils préféré être seigneurs
En enfer, que serviteurs au ciel,
Accéder aux riches heures
Sans nuls autres bonheurs.

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, February 3, 2009

Le monde de demain

Le monde de demain,
Comme celui d'aujourd'hui
Sera cruel ou ne sera pas,

Un siècle de guerres et de morts,
Un siècle d'envies et de corps,
Un siècle de viols et de vols,
De pillages et de terreurs.

Le monde de demain,
Comme celui d'aujourd'hui,
Sera esprit ou ne sera pas.

Nous serons guidés
Par des hordes de clones
Qui fabriqueront
Machines et amours
Pour la nouvelle aube.

Nous danserons
La Java dans les eaux fumeuses,
Au-dessous des volcans de l'enfer.
Les flammes nous lècheront les nerfs,
Raviveront nos assoupies ardeurs.

J’ai vu Gaza et j'ai vu Beyrouth
J’ai vu Baghdad et j'ai vu Kaboul
J'ai vu la Havane et j'ai vu Santiag,
J'ai vu Hanoi et j'ai vu Phnon-Penh.

La vie sera la mort,
La mort sera la vie,
Le bonheur fera notre malheur,
Le malheur fera notre bonheur,

L’amour sera la haine,
Et la haine sera l'amour,
Le beau sera le laid,
Et le laid sera le beau.

Le soleil brillera des nuits,
Des nuits qui seront l'éternité.
Et nos jours seront sans ombres,
Des jours qui seront une infinité d'infinités.
Les heures seront longues,
L'espace sera illimité.

Ni dieux ni christs,
Ni mahomets, ni bouddhas,
D’autres prophètes viendront,
Prêcher la nouvelle race.

D’êtres sans êtres,
D'êtres sans histoires,
Demain nous aurons des histoires
Faites de chocs programmés.

Il faut changer tout ça,
Dis-je, ou nous serons finis,
Je me tourne dans un sens,
Que vois-je ? Rien !
Et dans l'autre, je ne vois rien venir.
Débarrassons-nous du passé, du présent et du futur
Et commençons une nouvelle vie.

L'insouvenance d'un paradis perdu
Nous plonge dans une nostalgie déçue.
Les seuls vrais paradis sont ceux que l'on a jamais eus.

© 2009 Marwan Elkhoury

Sunday, February 1, 2009

Les paradis perdus de mon enfance

Les paradis perdus de mon coeur
Quand la terre chantait encore
Et la terre nous riait de tout son or
Et la terre ne tremblait pas encore.

Quand les enfants jouaient à poule canard
Un deux trois soleil à faire éclater des pétards
Au lieu de brûler de tous leurs souffles
Le souffle des bombes au soufre.

Quand les filles riaient de tout
Avant de pleurer leurs amants perdus
Quand les hommes buvaient de tous les crus
Leur bonheur d'être aimés toujours
Quand, sous le soleil de minuit,
Nous dansions nus sur la plage de nuit
Enveloppés dans la vague sans bruit

Les paradis perdus de mon coeur
C'était le temps d'autres temps
Les temps où l’on était heureux encore
Les temps où le bonheur se déclinait encore
À tous les modes à tous les temps

Les paradis perdus de mon corps
C'était le temps où l’on avait le temps
Le temps de vivre et d'être sensible encore
C'était le temps où il y avait un temps
Le temps où vivre était possible encore

Adieu paradis perdus de mon enfance
Adieu mon petit pays en trance
Adieu ma petite guerre en terre
Adieu mes rêves d'adolescent sans repères
Adieu mes nuits douces d'amour
Adieu mes jours de pleins jours

Adieu mes paradis bonjour mes tristesses
L'arme au poing les milices se baladent
Dans mes rêves d'enfance fracassés
L'arme au poing les milices se baladent
Dans mes rêves de paradis bouleversés

Bien sûr nous avons tout perdu
Bien sûr le paradis bien sûr
Mais au fond nous avons bien gagné
Un fabuleux enfer bien mérité
D'étoiles éclatantes et des terres
Où le lait et le miel coulent à flot
Où les dires de l'amour brouillent nos mots

Ne t'en fais pas tout partira
Enfer comme paradis rien ne restera
Ni pleurs ni rires
Ni peurs ni cris
Ni plaintes ni craintes
Ni gènes ni feintes

C'est sûr nous avons tout perdu
C'est sûr je le reconnais
Mais bien sûr nous avons gagné
L'amour de l'enfer retrouvé.

©2009 Marwan Elkhoury

Monday, January 12, 2009

suis-je celui que le vent a créé

qui suis-je ?
suis-je celui que le vent a créé
Suis-je alors ce vent, ou le vent c'est moi
Suis-je les nuages, ou serait-ce ces nuages qui m’ont créé
Je suis la vague, la vague c’est moi,
Toujours la même, toujours autre,

Qui suis-je,
la montagne, la lune, la vague, le fleuve, la rivière,
un air de musique, un quintet de Schubert,
une étoile filante, un flocon de neige,
une goutte de pluie sur une vitre fêlée,
d’où je viens : de nulle part,
où vais-je : nulle part,

Mon pays n’existe pas encore,
n’a jamais existé ou a disparu,
effacé de la carte ou oublié des hommes
Terra incognita dont on n’entend parler que par oui-dire,
comme d’un mythe tres ancien,
ou d'un triangle des bermudes,
Comme un après-midi d’enfer ou un avant-midi de paradis,
d’un paradis perdu, comme tous les paradis,
comme tout commence au paradis et finit en enfer.

Je suis cette gorgée de cafe turc amer
que je sirote lentement au lever du soleil,
sur la nappe à carreaux blancs et verts,
posée sur le Bosphore, dans la brume de merveilles,

La brume me cache la fuite de mes amours trahis,
je ne l’ai pas vue partir,
elle est partie comme la mort,
sans jamais se retourner, d’un coup de vent,
les cheveux aux vents,
je ne me suis même pas retourné pour la saluer,
la regarder aurait été trop dechirant,

elle était l’aurore qui s’envole,
comment conserver l’aurore dans ses mains,
je ne la conservais que comme un point noir dans la rétine
aveuglé par la beauté de l’absence
elle m’avait retrouvé au moment du départ
je ne l’avais reconnue que parce qu’elle s’etait éloignée
elle etait Juive et j’etais Arabe

elle fut tout pour moi,
mon premier et mon dernier amour,
je l’aimais
plus longtemps qu'elle ne m'avait jamais aimé
je n’etais pas grand-chose pour elle,
puisqu’elle en épousa un autre
tout en préférant Jérusalem à nous deux

pendant que nous nous occupions à nous éloigner
l'un de l'autre, la guerre se rapprochait
et fatalement nous rapprochait
à nouveau, le grand jour arriva
où, fatalement, nous nous retrouvâmes,
de part et d’autre de la ligne de nos âmes,
de coups cette fois-ci, nous ne tirâmes,
ni elle ni moi, je vous le précise,
et là je compris
qu’elle devait, et combien, m’aimer
bien qu’elle ne me l’avait jamais
vraiment avoué

peut-être même, qu'en fait, même
elle m’avait toujours aimé,
et peut-être même, qu'en fait, même,
elle m’avait aimé plus que je ne l’avais aimée.

je ne la revis jamais plus,
séparés que nous étions
par le mur de la honte et de l’échec

l’existence on ne la vit qu’après coup
dans le souvenir des larmes
le présent se définit
au futur par rapport au passé
et l’amour ah oui l'amour
se conjugue dans un passé
décomposé plus qu’imparfait

les massacres se font sans tragédies aujourd’hui
sans bannieres sans frémissements et sans bruits
pas de voix de femmes
ni de voix d’hommes qui hululent
dans le silence des bombes
sauf un enfant la tête dans la poussière.

peut-être que l’absence de tragédie
est notre veritable tragédie.
les choses ont le goût
de la victoire pour ceux qui crurent
et le goût de l’exil pour ceux qui disparurent
une clef autour du cou et leur amour perdu

qu’est-ce que cela fait
que l’homme vive ou crève,
quelle importance
il n’est qu’un piteux accident
sans grande conséquence

dans la symphonie des constellations,
dieu merci nous ne sommes pas immortels
nos vicissitudes ne durent qu’un temps
et l’infiniment petit de notre
vie se perds déjà dans l’infiniment grand du temps

Il y a encore cette musique de Schubert
qui me trotte dans la tête
depuis tantôt, depuis toujours, depuis que,
petit, quand ma mère, le visage en larmes,
soulevait le grand battant du piano noir
et jouait ces notes blanches et noires
pour faire valser la tristesse de mes jours

J’aime aragon et mahmoud darwich,
verlaine et beaudelaire,
proust et ses heures riches,
edgar allan poe, kafka et faulkner,

Non, rien de rien, non je ne regrette rien,
Je dors dans le vide de mon texte
et mon texte n'est pas mon identité,

J’ai le passé de mes étoiles et mon futur est mon passé
« nous errons à travers des demeures vidées,
sans chaines sans draps blancs sans plaintes et sans idées,
spectres du plein midi revenant du plein jour
fantômes d’une vie où l’on parlait d’amour », Aragon, vingt ans après,

© 2009 Marwan Elkhoury

Je me souviens

l’heure de ma fin arrive,
la fin de ma fin aussi,

cette heure qui ne tient plus
qu’au fil du texte 

une fois apposé le point final
sur la dernière ligne
 je partirais
sans plainte et sans remords
et je serais oublié


je ne demande qu’une seule chose 

c’est de mourir en paix
loin de cette terre
En sang, divisée, déchirée. 


je me rappelle encore

cette demeure qui était mienne
celle qui n’existe plus

ces pins tordus
par les vents qui soufflaient
sans cesse 
les déjeuners sous le vieux caroubier
dont les fruits noirs sur les grosses branches lourdes
nous caressaient l’échine en mangeant 

les parties de tawleh dans le jardin

le thé à l'ombre des bougainvilliers
notre premier amour dans le temple de Bacchus 

le lever de lune à travers les colonnes romaines brisées

les cris des enfants dans l’étang


les chevaux de feu tombant
dans la mer à grands coups de sabots
d’écumes et d’éclaboussures.

je me souviens je me souviens je me souviens


je me souviens d’une cité de palais
de 
coussins soyeux
des fontaines de marbre
les clairs de lune dans un ciel indécent,
de ton sein brûlant dans ma paume, tremblant


je me souviens des soirées au coin du feu

se remémorant le passé glorieux
de nos ancêtres

les batailles de Ain Dara et de Majdaloun

qui nous assuraient
à grands coups de sabre et de couteaux
un avenir tout aussi glorieux que le leur


ils ne pouvaient savoir que leurs déchaînements fougueux
nous amèneraient l’esclavage et l’humiliation

que leurs conquêtes allaient devenir notre honte

que leurs haut faits d’armes notre perdition
et leurs récompenses notre anéantissement


aujourd’hui nous traînons notre gloire passée
dans les bas-fonds de Chicago

tenant tête aux truands de cabarets
pour un droit de dépucelage

nous pavanant sur les scènes du monde entier

échangeant mélodrames contre petites pièces trébuchantes


le public, ces jours-ci n’est plus friand
que d’histoires qui finissent bien

et la nôtre finit
comme finissent toutes les histoires, mal

déjà qu’elles finissent,
en soi peut être un bien,

car au moins nous sommes rassurés
que même le mal a une fin.

© 2009 Marwan Elkhoury

Friday, January 2, 2009

Le diable

Le diable est mon frère, mon ami,
Mon compagnon des beaux et des mauvais jours.
À peine né et bien avant d'ouvrir les yeux, il était déjà à mes côtés,
Et, depuis ce moment fatidique, ne m'a plus jamais quitté.

Qu'est-ce que je connais du ciel. Rien.
Mais l'enfer est mon quotidien,
Guerres, cataclysmes et maladies,
Sont le pain de mes beaux jours
Et de mes mauvais jours,
Mieux vaut n'en pas parler.

Pour pallier à toutes les faiblesses
De ma faible constitution,
Depuis le berceau jusques au tombeau,
Tu n'as eu de cesse de me tenter,
Me comblant de richesses et de plaisirs
En satisfaisant presque tous mes désirs.
Tu as permis à mon imagination de s'envoler,
Me faisant oublier la dure vérité de la vie.

C'est de toi que j'ai tout appris,
Du bien jusqu'au mal,
Avec toi, j'ai bu le vin de la connaissance,
Et tu m'as fait connaître le beau et le moins beau
Tu m'as appris à compter
Et surtout, à ne compter sur rien,
Tu m'as appris à dire oui, mais surtout à dire non.
Tu m'as appris à connaître que rien
De ce qui existe n'est ou ne mérite d'être
Mais surtout à connaître que tout ce qui est n'est pas ce qui est,
Et que tout ce qui n'est pas l'est encore moins.

Tu es la révolte, le refus, la transcendance,
L'amour, la haine, l'ascendance,
La folie, le stupre, la luxure, les tentations,
La gourmandise, l'envie, la contestation,
Tu es le tout, sans qui, sans toi, je ne serais rien.

Celui qui a fait le ciel et la terre,
Et le bien et le mal, m'a créé une âme damnée
Que j'ai donné, damné,
Au diable, faute de pouvoir la donner
À dieu qui me l'a refusée.

Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné,
Et fait si faible, pour que j'abdique et
Que je ne puisse lui résister.

Maintenant que j'ai pris goût à le suivre,
Je n'aspire plus à rien d'autre qu'à rester à ses côtés
Que me fait d'être, pour le restant de mes jours, damné
Je l'étais déjà, dès le premier moment de mon existence.

©2008 Marwan Elkhoury