Thursday, February 19, 2009

Le pécheur

Il court, il court le pécheur
Il court par monts, il court par vaux
Il court parce qu'il a péché
Il se cache puisqu'il a péché.

Il se cache mais n'a nulle part où aller
Dieu qui tout voit, dieu qui tout sait
Sait déjà où il ira avant même qu'il y aille.

De jour comme de nuit, il fuit
De nuit comme de jour, il court.

Il court, il court le pécheur
Il se cache puisqu'il a péché
Il se cache mais n'a nulle part où aller
Il sait qu'où qu'il aille, dieu saura le retrouver.

Mais il court, il court le pécheur
Car il n'a nulle part où aller.
Il court, il tombe le pécheur,
Car il n'a nulle part où courir.

Il tombe et se blesse le pécheur,
Car il a fauté.
Il se blesse à mort le pécheur,
Puisqu'il a péché.

En sang, en larmes, il court toujours,
Car s'il s'arrête il est arrêté.
Il court il court le pécheur.
Il ne peut s'arrêter sans courir tous les dangers

De quoi est-il fautif le pécheur,
Comment le saurait-il.
Suffit d'être homme, pour être péché.
S'il pèche, il pèche par excès,
Et pèche par défaut s'il ne pèche pas.

Il a péché contre eux, il a péché contre dieu,
Voilà ce qui lui est reproché.
En fait, peu importe le péché.
Suffit de vivre pour être péché.

Demandera-t-il pardon au dieu miséricordieux
Dieu lui pardonnera-t-il ?
Ça, jamais ne le saura-t-il.
Les voies de dieu restent un mystère
Et ses voix très austères.

Il court, il court le pécheur.
Il n'a d'autres recours que courir.
Il court, il court le pécheur.
Il n'a d'autres parcours que mourir.

©2009 Marwan Elkhoury

Wednesday, February 18, 2009

Si j'ai du goût

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Que pour les déserts,
Les mers de sable,
Les horizons sans fins,
Les vertigineuses hauteurs.

Si j'ai du goût ce n'est guère
Que pour les pierres,
Et le sable de la mer,
Les couchers de soleil,
Et les levers de lune.

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Que pour les soleils noirs qui illuminent mes jours,
Et les astres rouges qui éclairent mes nuits,
Qui brûlent et qui sèchent ma vie et la nuit.

Si j'ai du goût, ce n'est guère
Pour l'humain, humain trop humain,
Petites gens, petites pantins,
Qui quand ils prêchent
Petit ou grand, ne prêchent guère
Que l'argent, l'amour et la guerre,
Ou l'amour de la guerre.

Si j'ai du goût ce n'est guère
Que pour les cimetières,
Les milliers de stèles de pierres
De marbre, alignées et bien rangées,
Des vies bien rangées et bien casées
Pour l'éternité,
Quelques fleurs fanées entre chacune,
Et quelques rares vivants entre les urnes

Je n'ai de goût que pour les anges
Qui descendent dans la nuit de mes marais dorés.
Je n'ai de goût que pour la fange
Qui monte des bas-fonds des quartiers mal famés

Le paradis est un enfer,
Un enfer d'ennui, de silence et d'absence.
Ni querelles, ni passions, ni désirs,
Que plénitude, magnitude et terne mansuétude.

L'enfer est un paradis
Qui brûle, qui craque et qui vit.
L'enfer, ce n'est pas les autres,
Mon cher ami, l'enfer,

L'enfer, mon cher ami,
L'enfer, c'est toi, c'est moi,
L'enfer, mon cher ami,
L'enfer, c'est nous !
Où que nous allions,
Quoique nous fassions,
Nous le promenons toujours avec nous.

Demain dès l'aube je partirai
Je partirai par les vers
Je partirai par les airs
Je partirai par les cieux
Je partirai vers les dieux.

Oui, je partirai,
Retrouver mon enfer
Pardieu.

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, February 10, 2009

Le péché originel

Mon paradis à moi, c'est quoi ?
Mon paradis à moi, c'est toi,
Ce sont tes yeux couleur d'azur,
Ta chevelure d'ange
Qui me torture,
Tes seins si purs,
Ta bouche vermeille
Qui de groseille s'épure.

Comme dans la chanson: tu m'as quitté
Pour un bouquet de fleurs
Que je ne t'ai pas donné
Il y a longtemps que je t'aime
Plus longtemps que tu ne m'as oublié
Jamais je ne t'oublierai.

Puisque dieu est dieu
Et que l'homme est homme
Il est de ses prérogatives
De chasser du paradis l'homme
Pour une aussi erratique broutille
Que de croquer dans une belle pomme
Couleur myrtille.

Désobéir est humain
Comme punir est divin.
Dans cette vie sans rien
La tentation est grande
De faire un esclandre
Pour un petit bout de pomme
Bien appétissante
pom pom pom pom pom.

Dieu a besoin des hommes pour être dieu,
Satan n'a besoin de rien pour être lui-même.
Sans les hommes, dieu est un tout sans rien.
Encore lui faut-il ce rien pour être un tout.

Satan, dieu du mal, Satan, dieu du rien
Et de ce rien en fait un tout,
Aime les hommes comme nul autre bien.

Les hommes le lui rendent bien
De ces hommes, il en fait des dieux,
Des princes, des conquérants et des preux.

Pour accéder au fruit de la connaissance
Bazarder l'ennui de la béate inconnaissance
Il a fallu se résoudre à la révolte béante
Quitte à gagner les raisins
De la colère d'un dieu tout-puissant.

Que n’ont-ils préféré être seigneurs
En enfer, que serviteurs au ciel,
Accéder aux riches heures
Sans nuls autres bonheurs.

©2009 Marwan Elkhoury

Tuesday, February 3, 2009

Le monde de demain

Le monde de demain,
Comme celui d'aujourd'hui
Sera cruel ou ne sera pas,

Un siècle de guerres et de morts,
Un siècle d'envies et de corps,
Un siècle de viols et de vols,
De pillages et de terreurs.

Le monde de demain,
Comme celui d'aujourd'hui,
Sera esprit ou ne sera pas.

Nous serons guidés
Par des hordes de clones
Qui fabriqueront
Machines et amours
Pour la nouvelle aube.

Nous danserons
La Java dans les eaux fumeuses,
Au-dessous des volcans de l'enfer.
Les flammes nous lècheront les nerfs,
Raviveront nos assoupies ardeurs.

J’ai vu Gaza et j'ai vu Beyrouth
J’ai vu Baghdad et j'ai vu Kaboul
J'ai vu la Havane et j'ai vu Santiag,
J'ai vu Hanoi et j'ai vu Phnon-Penh.

La vie sera la mort,
La mort sera la vie,
Le bonheur fera notre malheur,
Le malheur fera notre bonheur,

L’amour sera la haine,
Et la haine sera l'amour,
Le beau sera le laid,
Et le laid sera le beau.

Le soleil brillera des nuits,
Des nuits qui seront l'éternité.
Et nos jours seront sans ombres,
Des jours qui seront une infinité d'infinités.
Les heures seront longues,
L'espace sera illimité.

Ni dieux ni christs,
Ni mahomets, ni bouddhas,
D’autres prophètes viendront,
Prêcher la nouvelle race.

D’êtres sans êtres,
D'êtres sans histoires,
Demain nous aurons des histoires
Faites de chocs programmés.

Il faut changer tout ça,
Dis-je, ou nous serons finis,
Je me tourne dans un sens,
Que vois-je ? Rien !
Et dans l'autre, je ne vois rien venir.
Débarrassons-nous du passé, du présent et du futur
Et commençons une nouvelle vie.

L'insouvenance d'un paradis perdu
Nous plonge dans une nostalgie déçue.
Les seuls vrais paradis sont ceux que l'on a jamais eus.

© 2009 Marwan Elkhoury

Sunday, February 1, 2009

Les paradis perdus de mon enfance

Les paradis perdus de mon coeur
Quand la terre chantait encore
Et la terre nous riait de tout son or
Et la terre ne tremblait pas encore.

Quand les enfants jouaient à poule canard
Un deux trois soleil à faire éclater des pétards
Au lieu de brûler de tous leurs souffles
Le souffle des bombes au soufre.

Quand les filles riaient de tout
Avant de pleurer leurs amants perdus
Quand les hommes buvaient de tous les crus
Leur bonheur d'être aimés toujours
Quand, sous le soleil de minuit,
Nous dansions nus sur la plage de nuit
Enveloppés dans la vague sans bruit

Les paradis perdus de mon coeur
C'était le temps d'autres temps
Les temps où l’on était heureux encore
Les temps où le bonheur se déclinait encore
À tous les modes à tous les temps

Les paradis perdus de mon corps
C'était le temps où l’on avait le temps
Le temps de vivre et d'être sensible encore
C'était le temps où il y avait un temps
Le temps où vivre était possible encore

Adieu paradis perdus de mon enfance
Adieu mon petit pays en trance
Adieu ma petite guerre en terre
Adieu mes rêves d'adolescent sans repères
Adieu mes nuits douces d'amour
Adieu mes jours de pleins jours

Adieu mes paradis bonjour mes tristesses
L'arme au poing les milices se baladent
Dans mes rêves d'enfance fracassés
L'arme au poing les milices se baladent
Dans mes rêves de paradis bouleversés

Bien sûr nous avons tout perdu
Bien sûr le paradis bien sûr
Mais au fond nous avons bien gagné
Un fabuleux enfer bien mérité
D'étoiles éclatantes et des terres
Où le lait et le miel coulent à flot
Où les dires de l'amour brouillent nos mots

Ne t'en fais pas tout partira
Enfer comme paradis rien ne restera
Ni pleurs ni rires
Ni peurs ni cris
Ni plaintes ni craintes
Ni gènes ni feintes

C'est sûr nous avons tout perdu
C'est sûr je le reconnais
Mais bien sûr nous avons gagné
L'amour de l'enfer retrouvé.

©2009 Marwan Elkhoury